Le car chausson de la Transafricaine entre Niamey et Ouagadougou


Dimanche 27 août

Le jour pointe lentement sur une piste rectiligne chargée d’une lourdeur moite. Nous sommes en zone sahélienne entre Sahara et petite brousse, et c’est la saison des pluies. Lentement Zinder apparaît au loin, le camion y fera une halte de 5 heures. Zinder est tout proche de la frontière du Nigeria, les trafics en tout genre sont palpables. L’atmosphère de la ville est lourde poussiéreuse, la saleté est partout. On va manger un couscous salade (100 cfa), puis on passe l’après midi au bistrot de Betty, belle négresse. Gérard prend une douche à poil derrière le mur en sa compagnie vigilante. Achat, bouffe, coco, oranges jaunes et pains. Nous repartons avec le camion, après avoir été délesté de 500 cfa pour la bière. Arrêt police, 10 mecs montent, nuit pénible, résonance sur bouteilles vides, concerto pour tôle ondulée.  Arrivée à Maradi, nous couchons tous dans la rue, problème de chiasse récurrent.


Lundi 28 août

Matinée marrante avec Jean Pierre et Danielle, les 2 dépeceurs de cadavres, avec lesquels nous attrapons un fou rire. Police, tampons, thé café au lait, couscous salade. Nous repartons en plateau 404 à travers champs, pour contourner la ville et ainsi éviter le contrôle de police à la sortie. On attend le camion qui doit nous rejoindre, en jouant par terre avec les cailloux. Nos relations avec Kai kai se normalisent après l’incident de la bière.

On passe Birni N’Konni, traversée de petits villages dans la nuit,  où scintillent les falots des marchands ambulants. Riz pour 50. Policiers, on se planque, tous allongés au sommet du camion sans respirer, ça marche, le contrôle est passé. La piste se termine à Dosso, et fait place au goudron, qui nous rend le sommeil. Nous entrons dans Niamey à 4 heures du matin, 1000 km depuis Agadez. Nous dormons là où s’arrête le camion.


Mardi 29 août

Le jour se lève en même temps que la ville. La compagnie beatnik and co s’anime lentement. Tchai, café au lait pour 15 cfa. Nous nous lavons là où nous avons dormi. Spectacle insolite pour les noirs que ces jeunes blancs hirsutes. L’eau se salit aussi vite que la foule noire s’épaissit, Didier se croit au  théâtre.

Nous partons à la recherche d’une solution d’hébergement pour le soir, maison des jeunes, assemblée nationale, hôtel,… , rien à la portée de notre bourse. On s’installe à la poste centrale, envoi de courriers, François téléphone à l’entreprise Ducos où travaille André Bontoux natif du pays de Meaulnes.  Il vient nous chercher en 504, surprise, l’entreprise est à 50 mètres de là où nous avons dormi. Il est un peu timide et peut être surpris de notre périple. Un copain à lui nous invite au premier, whisky et douche, 2 valeurs oubliées ces derniers temps. Il est français et a quitté femme et enfants pour voir ce qu’il valait …… ! Drôle de type mais d’une hospitalité à toute épreuve, il nous raconte la brousse et le Niger, puis va rejoindre sa petite amie, en nous laissant aux bons soins de son boy Mamadou, lequel va nous dorloter pendant 2 jours. Le moral et nettement en hausse.


Mercredi 30 août

Lever d’un lit moelleux, le petit déjeuner est sur la table. Adieu à notre hôte qui part en France. Direction la SNTN (Société Nationale des Transports Nigériens), pour trouver un transport sur Ouagadougou en Haute Volta, il y a un départ vendredi matin. Nous retrouvons Jean Pierre et Danielle au bord du Niger, nous allons manger ensemble au Saigon Bar. La soirée se termine à l’appartement par une fureur de lire.

Jeudi 31 août
Lever, le café sur la table, Mamadou est un boy stylé, on en est gêné. Bulle toute la matinée puis visite du musée de Niamey l’après midi avec 3 toulousains. Retour à l’appartement, soupe de Mamadou et re lecture effrénée. Nuit sous les ventilateurs

Vendredi 1 septembre

Lever 7H 30, et direction la SNTN après les adieux à Mamadou et Bontoux. François fait la queue pour les billets, plus de cent personnes attendent, comment va t-on tous rentrer ? Le bus est un car Chausson de la TransAfricaine. Le curé Jacques est la avec 12 de ses ouailles, les autres vendent les 2CV à Niamey. Le car part à midi, et miraculeusement tout le monde est assis. Première piste avec une tôle d’enfer, mais le car se comporte bien. Arrivée à la frontière de la Haute Volta. Pour passer la douane, il faut décharger entièrement le car, on passe à pied avec les bagages, tandis que le car passe à vide, et l’on refait tout le chargement la barrière passée. Les douaniers ne regardent rien, mais c’est la règle.

L’aventure commence avec la pluie qui pénètre partout. On est bloqué pendant 3 heures par une barrière de pluie à l’entrée d’un village Peuhl. L’attente est longue et Il n’y a rien à manger. La barrière est levée, la nuit tombe, le car avance de plus en plus péniblement, et soudain il est bloqué. On est tout simplement embourbé, tout le monde descend dans une rigolade générale. Chacun donne son avis sur la méthode pour sortir du bourbier, les femmes se terrent dans un coin. On décharge les plaques, immenses tôles posées devant les roues, mais le car refuse de sortir. L’ordre est donné de ramasser pleins de cailloux, et l’on comble les trous, tout le monde pousse et l’on sort. On repart mais pas pour longtemps, 10 km plus loin, une nouvelle barrière de pluie nous arrête pour toute la nuit. Les gens s’enfoncent dans leurs fauteuils. Jacques, Gérard et l’infirmier commencent un long tour de chant, tandis que le  « révolutionnaire » se plaint. Jacques improvise sur la Transafrica , à la bonne humeur générale. Mais la longue nuit africaine prend le dessus. Bernard couche sur le toit, Gérard pique le lit de camp du chauffeur.



Samedi 2 septembre

Le jour se lève lentement sur une humidité stagnante. Les baobabs ponctuent une débauche de vert, les femmes peuhls  défilent toujours aussi mystérieuses. La barrière se lève, la piste sèche, nous repartons. Au bout de 30 km , un énorme craquement, puis arrêt, une lame maîtresse cassée et le tambour de frein tordu. Les européens choisissent l’ombre d’un arbre pour somnoler. Au bout de 3 heures Jacques part pour Fada en taxi de brousse et revient avec les pièces. Une fois la réparation effectuée  on rejoint Fada avec le car.

Plus de 50 personnes veulent monter à l’étape, et c’est un car archi bondé qui repart pour Ouagadougou, nous avons 2 poules sur nos pieds. 2 français ayant cédés leurs places à de jeunes femmes se font engueuler ! !  Contrôle de police « Il y a du monde, mais c’est admissible ». 90 km de piste, les poules nous emmerdent. Arrêt au cercle, bière, ravitaillement. Nous finissons avec 140 km de goudron, et l’entrée sur Ouagadougou est folklorique, car le manque de freins donne lieu  à un arrêt d’urgence sur un bord de trottoir. Nous dormons dans un jardin prés de la gare routière.


Dimanche 3 septembre

Le caporal sonne le clairon. Nous sommes réveillés par une suite sans fin d’ordres du curé. Il fait bien les choses mais il est un peu lourd. Nous prenons le train à 6h 15 pour Bobo-Dioulasso, celui-ci continuant sur Abidjan en Côte d’Ivoire. Le voyage est ponctué d’arrêts où l’on peut acheter des victuailles aux nombreux marchands envahissants le quai. Le wagon transpire d’une odeur forte de cuisine. Arrivée à Bobo à 1 h de l’après midi, nous filons au marché, les mobylettes envahissent les rues. Nous trouvons un hôtel style colonial pur 400 F , la douche est la bienvenue.



Lundi 4 septembre

Nous nous réveillons tôt et prenons un petit déjeuner à l’autogare. Un Renault Saviem SG2 (Une Super Goélette appelée 1000 kilos localement) doit partir à 10 heures pour la frontière avec le Mali. On change de l’argent et sommes dans la file d’attente dès 9 heures. La foule est dense, tout le monde veut monter dans le taxi de brousse. 10 personnes sont descendues et d’autres ont pris leurs places !!! . Une adorable femme peule perd  la sienne. Il faut pousser  pour aller à la station d’essence, puis on revient à l’autogare pour récupérer les affaires du chauffeur. 11 h 30, nous partons enfin, non sans avoir poussé pour le démarrage, il ne doit pas y avoir de démarreur.  Un arrêt pour un bakchich à la police locale, le premier d’une longue série. La piste est bonne et le 1000 kilos fonce vers la frontière, à vive allure. Nous arrivons à la douane de Haute Volta, mais il faut attendre 3 heures, fin de la sieste des douaniers. On mange sous une tente assis sur des bambous. Départ après les formalités de sortie,  pour arriver coté Malien à Sikasso.  Les douaniers ne fouillent pas le véhicule, après avoir reçu quelques betteraves !!! Nous repartons, les passeports dument tamponnés. La nuit est tombée sur notre équipage, la piste a fait place au goudron. Nous sommes 25 + 4 poules, on sympathise avec un caméraman malien et un soudeur à moustache, on discute pour éviter de penser au froid qui envahit le véhicule, le chauffeur ayant unilatéralement relevé la bâche, sous prétexte qu’elle est faite pour la pluie. Nous négocions la bâche avec notre participation à la poussette pour le démarrage, c’est gagné !!

Nous prenons 2 Ivoiriens en panne sur la piste, tout le monde se serre. Soudain, c’est l’arrêt brutal au milieu de la route, la nuit est d’encre, « On a perdu l’embrayage, il faut retourner le chercher ». Perplexité de la troupe, mais effectivement 100 mètres en arrière on retrouve un bout de câble sur la route. Nous continuons sans embrayage jusqu’à Bamako. Les vitesses craquent et les nombreux arrêts police ne facilitent pas les choses.

Arrivée à Bamako à 3 heures du matin, nous dormons à même la rue.

Mardi 5 septembre

Réveil au petit jour, nous allons à la gare se renseigner sur le prochain départ pour Dakar. Un train rallie chaque semaine Bamako à Dakar en passant par Tambacounda. Le prochain départ est jeudi prochain, le panneau indique qu’il a 24 heures de retard et que l’heure de départ sera en conséquence à 8h 07 précises !!!

Les billets sont pris, 7500 cfa avec réduction étudiant. Nous sommes logés au lycée, un dortoir pour nous quatre. Repas chez Allouf, un européen de Bamako, puis sieste l’après midi.

Mercredi 6 septembre

La journée passe rapidement ponctuée de nombreuses visites dans Bamako. Cantine toujours chez Allouf.


Jeudi 7 septembre

Lever à 7 heures et direction la gare. Il n’y a déjà plus de place dans les beaux wagons. Nous prenons place dans un wagon derrière la locomotive, sur de confortables fauteuils en bois. Il est 8 heures 10, le train par à l’heure !!  Nous devons arriver le lendemain vers 11 heures.

L’express s’arrête à toutes les gares, où des femmes vendent citrons, oranges, mangues, manioc, poulet, brochettes… Nous avançons dans un paysage monotone de savane verte, seuls quelques baobabs fixent l’horizon. Petit à petit on arrive tous à se caser dans les beaux wagons, l’odeur du DDT est persistante. Nous passons la frontière Mali – Sénégal à Kayes. Les douaniers sont cools, nous nous installons pour la nuit qui s’annonce blanche au rythme des boggies de la loco.


Vendredi 8 septembre

Le jour se lève sur un paysage de petite brousse nappée de brouillard, la journée s’annonce chaude. Les gares se succèdent aux gares, la volaille s’installe dans le wagon. Arrêt soudain en pleine brousse, renseignements pris, il n’y a plus d’huile dans le moteur diesel de la loco, une conduite a lâchée !!! Tout le monde descend et s’égaye dans la brousse environnante, les petits braséros s’allument pour le thé. Tout le monde se restaure et ne semble pas plus soucieux de la situation. 2 heures plus tard une nouvelle loco arrive et tracte le convoi jusqu’à Guiguinéo.

Quelques heures plus tard, c’est le terminus à Dakar.

Logement au lycée Vandelhollen. Les fiances sont au plus bas, nous quadrillons le port pour trouver un embarquement à destination de l’Europe, par équipe de 2 pour augmenter nos chances.


Epilogue

François et Bernard trouverons rapidement un cargo allemand, avec lequel ils débarqueront une semaine plus tard à Martigues prés de Fos.

Gérard et Didier ne trouverons pas de bateau, et négocierons un rapatriement en avion militaire faisant valoir notre école d’aéronautique dépendant du ministère de l’armée.

Gorée le 10 septembre

Taverne des boucaniers, un beau jour d’été